Lydie Salvayre
Editions Verticales, 1999.
C’est bien cette vie-là, banale, quotidienne, la vie de bureau qui est décrite dans ce roman où l’écriture apparente est à l’image du sujet, d’une effroyable banalité. L’arrivée d’une nouvelle secrétaire dans la vie d’une empoyée de bureau « modèle » vivant dans la crainte et le respect de son patron, y est décrite par toutes petites touches d’une mesquinerie à peine sensible et en même temps impitoyable. Vie commune, de routine, réglée par avance de convenancs et d’habitudes tacites. Cette écriture qui n’a finalement de banal que l’apparence en accord avec le sujet du roman, relate des petits faits insignifiants, par des petites phrases courtes sans détours. Monologue intérieur, le récit virevolte pourtant sans ennui ni pesanteur sur ce qui est décrit comme une obession : les faits et gestes de cette intruse dont le but est de gagner la première place auprès du patron. On y apprend les minuscules fonctionnements des petites phrases assassines dont le but inavoué est le mépris et l’humiliation. Une écriture paradoxalement aérée et légère questionne comme inlassablement le processus de cette fragilisation. Comment une cohabitation de bureau peut réellement devenir infernale et déstabiliser durablement la vie intérieure ? Ou encore comment s’effectue le pouvoir intolérable de certains sur d’autres ? Ce livre en démonte un à un les rouages et permet de prendre la mesure de ce qu’il vient d’être défini il y a seulement quelques années comme le harcèlement moral.