Maïssa Bey
Edition de l’Aube, 2001
Témoignage poignant du destin d’une enfant née de père et de mère inconnus comme tant d’autres. Mais plus encore, « cette fille-là » est née d’une union et d’un amour interdit : « la fille d’un très riche colon …tombe amoureuse d’un jeune arabe. » « Possible, mais éminemment répréhensible à l’époque de ma naissance », nous dit l’auteur, née en 1950 au sud d’Alger. L’héroïne a treize ans quand elle raconte son histoire au rythme saccadé, comme des morceaux de phrases à la recherche de son identité, d’elle-même et du sens de son existence. Ecrire est une sorte d’exorcisme pour conjurer la honte et le déshonneur d’une soi-disant « faute » à jamais comme indélébile et dont elle n’est pas responsable. Ecrire pour apprivoiser et revisiter jusqu’à l’épuisement l’émotion brute, tue, contenue et toujours aussi vive. Ecrire pour refuser « la lente asphyxie, le renoncement à la vérité »… « l’insupportable abandon, les rejets, tous les rejets, la résignation au malheur… l’abdication encore plus vile que la peur ». Parallèlement à cet amas de souvenirs de « celle qui veut chasser la nuit », d’autres histoires de femmes déroulent l’écheveau emmêlé d’une condition féminine difficile, celle de petites filles et de femmes de l’islam. Des mots, des doutes, des hésitations sont livrés pêle-mêle comme pour se décharger d’un trop grand poids innommé et presque innommable. Celle qui veut « s’accrocher au jour qui revient » veut « continuer à raconter leurs histoires. A les écrire », A travers ces portraits, ce roman lève le voile sur les silences des femmes et de la société de l’Algérie d’aujourd’hui.
VSR