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Archive for the ‘Lectures’ Category

Unna

Rytkéou Youri
Actes Sud, 2001
A travers le récit de la vie d’Unna, petite fille russe de l’ethnie tchoukhe, c’est le destin d’un peuple soumis à une acculturation obligée qui s’exprime avec désespoir.
Unna, scolarisée dans un internat où l’enseignement se fait en russe, fugue pour retrouver le chemin de sa toundra natale. Cependant, peu à peu, de façon insidueuse, il semble n’y avoir d’autre choix pour elle que de retrouver le chemin de l’école, celle de la « civilisation » et du « parti ». Elle se met à nier sa culture d’origine tchoukhe, à la considérer comme « arriérée », et sa terre natale « odieuse ». On assiste alors à l’inexorable décomposition de celle qui veut brûler les étapes d’un changement d’idéologie, de façon de vivre et de penser, pour tourner le dos à son passé comme pour s’imaginer être une autre. Le passé pourtant la rattrape sous la forme innocente d’une grossesse très désirée. Elle s’est éprise d’un directeur de conservatoire de musique tandis qu’elle a gravi les échelons de l’administration et du parti. An nom de sa fulgurante carrière, elle finit par avorter sur les injonctions de ses amis du parti. Sa vie ne devient alors plus qu’une lente dérive dans l’alcool n’ayant plus ni sens, ni repères. La force de ce livre réside dans le fait qu’aucun jugement n’est porté, ni aucune analyse sur ces événements. Il y a comme une sorte de « finesse brute » où tout est dit entre les lignes. Le lecteur est invité à se mettre dans la peau d’Unna favorisant l’empathie de ce dernier pour participer de l’intérieur aux ravages de cette situation d’acculturation. Une occasion d’aborder les divers « contours » de la notion de culture comme « en direct » et de réfléchir aux effets dévastateurs de l’acculturation sur l’individu lorsque ceux-ci aboutissent à une déstabilisation identitaire.
VSR

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  • Garçon manqué

    Nina Bouraoui
    Stock, 2000
    Nina Bouraoui témoigne tout au long de ce récit autobiographique, de la difficulté d’être également « une autre », de porter en soi deux histoires, celles de deux pays : la France et l’Algérie, où la guerre est encore très présente au moment de la naissance de l’auteur. A chaque page effleure le choc de ces deux identités, de ces interactions répétées entre l’une et l’autre, de l’enfance à l’adolescence, de la plage d’Alger à celle de Bretagne… En filigrane, la différence vue autant du côté français qu’algérien, mène le jeu de l’incompréhension, de la solitude et de la violence. Cette dernière est silencieuse, cachée, tue et pourtant omniprésente à travers la force de l’écriture où plane l’ombre de l’étrangère. « Ce n’est pas la honte. Non. Certainement pas. Je n’ai pas honte d’être aussi algérienne. Jamais, d’ailleurs. J’en serais fière. J’en userai. Par provocation. Par arrogance… La force d’être moi. Non ce n’est pas ça. C’est la gène. L’ennui de ne plus parler de la même chose… De devenir étrangère à l’autre. Et que l’autre devienne mon étranger .»
    VSR

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  • Cette fille-là

    Maïssa Bey
    Edition de l’Aube, 2001
    Témoignage poignant du destin d’une enfant née de père et de mère inconnus comme tant d’autres. Mais plus encore, « cette fille-là » est née d’une union et d’un amour interdit : « la fille d’un très riche colon …tombe amoureuse d’un jeune arabe. » « Possible, mais éminemment répréhensible à l’époque de ma naissance », nous dit l’auteur, née en 1950 au sud d’Alger. L’héroïne a treize ans quand elle raconte son histoire au rythme saccadé, comme des morceaux de phrases à la recherche de son identité, d’elle-même et du sens de son existence. Ecrire est une sorte d’exorcisme pour conjurer la honte et le déshonneur d’une soi-disant « faute » à jamais comme indélébile et dont elle n’est pas responsable. Ecrire pour apprivoiser et revisiter jusqu’à l’épuisement l’émotion brute, tue, contenue et toujours aussi vive. Ecrire pour refuser « la lente asphyxie, le renoncement à la vérité »… « l’insupportable abandon, les rejets, tous les rejets, la résignation au malheur… l’abdication encore plus vile que la peur ». Parallèlement à cet amas de souvenirs de « celle qui veut chasser la nuit », d’autres histoires de femmes déroulent l’écheveau emmêlé d’une condition féminine difficile, celle de petites filles et de femmes de l’islam. Des mots, des doutes, des hésitations sont livrés pêle-mêle comme pour se décharger d’un trop grand poids innommé et presque innommable. Celle qui veut « s’accrocher au jour qui revient » veut « continuer à raconter leurs histoires. A les écrire », A travers ces portraits, ce roman lève le voile sur les silences des femmes et de la société de l’Algérie d’aujourd’hui.
    VSR

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  • Nour, 1947

    Jean-Luc Raharimanana
    Le Serpent à plumes, 2001 - (Fiction française)
    Madagascar, novembre 1947 : tout le territoire de l’île-continent s’est soulevé pour en finir avec l’envahisseur. Ce livre n’est ni un document, ni une fresque historique. A l’instar des précédents titres de l’auteur, la langue de ce roman est celle du conte et du poème, où se mêlent les histoires de personnages d’époques différentes : anciens tirailleurs malgaches de la guerre de 39-45 dont Benja, frère de Nour et enfant d’esclave, un déserteur de l’armée coloniale bien avant la rébellion de 1947, le dernier habitant d’un village abandonné et qui seul connaît l’histoire des migrations du peuplement de l’île et quelques missionnaires français à travers leurs journaux de bord (1723 à 1836). Comme pour suggérer que l’histoire ne s’écrit jamais en solo, mais à plusieurs voix. La violence qui se dégage de ces récits de ces situations de guerre, atténuée par la teinte nostalgique de ce chant funêbre (la mort de Nour sur laquelle débute le livre) renforce un vague sentiment d’agressions subies mais inaudibles, intériorisées depuis longtemps et renvoyant à de multiples oppressions. Au-delà de ce chant dédiée à la grande île métissée dont les origines hors de l’île demeurent incertaines, ce livre est aussi un appel à la mémoire, l’Histoire contribuant à construire l’avenir. « Nous avons perdu notre passé et notre temps est ainsi écorché. Notre présent boitille, notre avenir dépérit…. ». L’Histoire s’enchevêtre dans un tissu complexe où le lecteur est invité à l’aborder sous d’autres points de vue à passer d’une époque à l’autre, tout en se laissant porter par un chant doux et violent.
    VSR

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